Refuge d’Arlet et Pic d’Aillary
Situation : Pyrénées Atlantiques – Vallée d’Aspe
Situé non loin de la crête franco-espagnole, le refuge d’Arlet situé au bord du lac du même nom, est une destination intéressante en soi. C’est aussi un point de départ idéal pour réaliser l’ascension de sommets environnants (Pic d’Aillary, Pic d’Arlet) . Récit d’une de mes incursions estivale dans ce secteur ou le pastoralisme est encore bien présent.
24 juillet
Ce soir là, penchés tout autour de la table dans le gîte du village, nous avons longuement détaillé la carte IGN dépliée. Les petits pointillés noirs du sentier, les courbes de niveau dessinées serré , les zones de forêt et les tâches bleues des lacs, tout cela nous invitait déjà à la découverte. Espelunguère, Lapachouaou, Arlet… Avec ces quelques noms de lieu en tête, nous sommes allés rejoindre nos lits.
25 juillet
6h30 • Départ du parking d’Espélunguère
Les saveurs de confiture de framboises du petit déjeuner encore en bouche, nous commençons maintenant à marcher dans la fraîcheur du jour qui se lève. Les panneaux nous ont prévenus, ici nous marchons dans le Parc National des Pyrénées. Depuis sa création en 1967, les gardes du parc parcourent quotidiennement ces espaces à préserver pour les générations futures. Nous traversons une forêt de hêtres. Ces arbres, parfois tortueux ou parfois aux fûts très droits suivant l’altitude et le terrain, atteignent souvent une trentaine de mètres. La brume qui est encore présente ce matin rend cette forêt mystérieuse.
Étrange impression de se sentir observés. Alors que le sentier devient plus raide, les voix se taisent, chacun se concentre sur ses pas. L’effort physique combiné aux sensations permet de laisser en bas une partie de soi.
10 h • Arrivée aux environs de la cabane Grosse
La forêt laisse brusquement place aux fougères et à la bruyère. Quelques bouleaux s’aventurent au-delà de la lisière. Nous décidons de remplir nos gourdes à la source du Coueyla. C’est le nom donné aux cabanes en vallée d’Aspe. En juin, le berger transhume avec son troupeau et vient «s’encabaner» jusqu’en septembre pour y fabriquer le fromage. En repartant, nous peinons à rejoindre le sentier envahi par les orties qui trouvent ici un terrain riche en déjections animales, propices à leur croissance. Pour le randonneur égaré, les orties indiquent souvent la présence toute proche d’une cabane qui pourra l’abriter et l’aider à se repérer. Nous continuons notre progression vers la crête, guidés par les couleurs de l’oeillet, de la gentiane printanière et de la joubarbe qui balisent le sentier.
13h30 • Étape au col de Lapachouaou
Enfin le col ! Le plus fort dénivelé est derrière nous. Les victuailles sont sorties du fond du sac. Moment de partage.
Le casse-croûte est meilleur en altitude. Les regards se tournent vers le sud, vers le massif du pic d’Aspe et les sierras aragonaises qui barrent la vue et les perturbations océaniques. A vol de vautour, nous ne sommes qu’à une centaine de kilomètres de l’océan. Les perturbations qui arrivent du nord ouest en survolant le Pays Basque viennent verser leurs dernières larmes sur les vallées béarnaises. Parfois, les nuages ne veulent pas repartir, et persistent plusieurs jours. Il arrive couramment d’être couvert de gros pulls alors que dix kilomètres plus au sud, côté espagnol, le soleil domine.
15h • Traversée de la montagne de Banasse
Soudain, le vautour fauve nous survole de si près que l’on entend le vent dans ses rémiges. C’est le moment choisi pour poursuivre notre chemin. Nous traversons le plateau de Banasse avec ses petits lacs peu profonds qui vivent sans doute leurs dernières années. Le regard plonge alors vers la vallée du Baralet dominée par une imposante falaise rouge.
Nous longeons la frontière franco-espagnole que les randonneurs passent et repassent sans même s’en rendre compte.
Ce n’était pas le cas autrefois où la frontière rimait avec contrebande, invasions, immigration. Ce sont des montagnes de passage. Le sentier, creusé dans la terre rouge, ressemble ici à une cicatrice qui contraste avec l’herbe vert tendre qui semble attendre le retour des brebis. Le refuge du lac d’Arlet est en vue. Nous y passerons la nuit après avoir apprécié le repas préparé par le gardien. Avant de rejoindre nos bas flancs, nous sortons regarder le soleil se coucher sur les pointes de l’emblématique pic du Midi d’Ossau.
26 juillet
6h • Ascension du pic d’Aillary
Le lendemain, nous nous levons tôt, pour atteindre le pic d’Aillary avant que le soleil n’apparaisse. Arrivés au sommet, le regard plonge vers le vallon espagnol d’Aguas Tortas encore dans l’ombre. Le soleil, en montant sur l’horizon, révèle peu à peu les modelés du vallon et de son cours d’eau tortueux. Juste derrière le col, un isard vient aux renseignements. Sûr de sa supériorité de montagnard, il nous observe, feignant de nous dévisager, avant de s’effacer en quelques sauts dans un versant invisible à nos yeux.
10h30 • En route vers le col de Lagréou
Pour repartir, nous empruntons la crête suspendue entre le vallon du Baralet et celui de Belonce. Le regard oscillant entre les deux versants, nous laissons le refuge et son lac derrière nous pour descendre vers une forêt peu fréquentée par les randonneurs. Peut-être apercevrons-nous le renard, le chevreuil, ou même le coq de bruyère ? Quant à la rencontre avec l’ours, elle ne restera qu’une idée. Mais si un jour, l’idée même d’une possible rencontre disparaissait, n’aurions-nous pas perdu une partie de nous ? Chacun de nous marche sur sa montagne de questions. Chaque pas est une petite réponse. Quelle responsabilité individuelle portons-nous sur ces espaces à préserver ? Demain, en redescendant, nous aurons sans doute laissé un peu de nous là-haut.